Cet essai propose une analyse du discernement spirituel dans les textes en langue grecque issus du monachisme primitif (jusqu’à Maxime le Confesseur). C’est en effet avec les premiers théoriciens de l’ascèse du désert que se développe pour la première fois une véritable doctrine sur cette faculté d’abord évoquée par Paul de Tarse. Avec l’essor de la nouvelle forme de vie chrétienne des moines le discernement devient le pivot de la vie religieuse: il définit et valide l’intériorisation de l’expérience spirituelle, en devenant de ce fait un élément fondamental de la dimension mystique du monachisme. Au plan de la méthode, l’analyse se situe dans l’histoire des concepts et s’appuie sur une lecture attentive des sources. Le but consiste à rendre compte de la réflexion des auteurs anciens sur l’instrument principal d’une praxis conduisant à la transformation du soi et, par là, à la transcendance. Après avoir abordé des questions générales de méthode et l’état de l’art sur le sujet (premier chapitre), on tentera de montrer que le discernement est centré sur l’homme et sur l’indétermination sous-jacente à son pouvoir décisionnel (deuxième chapitre); le besoin d’activer une faculté spéciale pour exercer avec profit le libre arbitre souligne l’ambivalence du monde, dans la perspective de celui qui entend s’en arracher (troisième chapitre); se pose alors le problème de la mesure parfaite à laquelle on doit se conformer pour déjouer les multiples conditionnements de la réalité cosmique environnante (quatrième chapitre); il apparaît finalement que la non-différence perçue à l’extérieur mène à rechercher la différence à l’intérieur, plus précisément dans la volonté qui inspire toute pensée, parole et action (cinquième chapitre).