L'Empire ottoman a été, durant près de cinq siècles, un des principaux, voire le principal champ d'expérience de ce qu'il est convenu d'appeler l'orientalisme. Cette notion recouvre en fait des disciplines très différentes, scientifiques ou artistiques, parfois les deux, qui ont pour point commun l'étrangeté, réelle ou apparente, de leur objet. Les orientalistes, formant très tôt une communauté scientifique à travers l'Europe, ont parfois exagéré, ou caricaturé, cette étrangeté. Ils ont aussi, dans bon nombre de cas, contribué à la réduire et redécouvert l'universel derrière le particulier et le singulier. Et s'il leur est arrivé de se mettre au service de la pénétration européenne, ils ont aussi contribué à une modernisation de l'Empire ottoman respectueuse des traits distinctifs de celui-ci. Or l'Empire ottoman a été totalement négligé par Edward Said dans sa célèbre charge contre l'orientalisme. Sur un cas d'école, ce colloque entend non pas réhabiliter l'orientalisme en bloc mais en souligner la grande diversité et, à certains égards, l'utilité pratique, méconnue chez nous depuis qu'il a disparu des nomenclatures disciplinaires. Pour cela, des chercheurs et érudits, réunis autour de Sophie Basch, Nora Seni, Pierre Chuvin et Michel Espagne ont choisi, dans le cadre de ce colloque historique, de mettre en valeur la dimension européenne des études sur un Empire qui était à la fois d'Europe et d'ailleurs et de la fascination qu'il a exercée.