Cet ouvrage s'inscrit dans une suite de travaux consacrés aux
populations forestières d'Afrique Centrale et, parmi elles, plus
particulièrement aux Pygmées Aka. Il constitue pour cette ethnie la
première partie d'une étude pluridisciplinaire centrée sur l'approche
linguistique des différents aspects de la réalité sociale. Dans cette
perspective, la langue se situe à la fois comme un aspect de cette
réalité sociale et comme le thesaurus et le véhicule de celle-ci.
L'ouvrage résulte de la coopération d'un groupe de travail
officiellement constitué depuis 1977, mais dont les activités
coordonnées de plus ou moins près remontent à 1971. Il rassemble les
connaissances acquises sur cette population pygmée et sur son milieu
naturel et humain par des chercheurs de différentes disciplines:
linguistique, ethnologie, ethnolinguistique, ethnosciences
(ethnobotanique, ethnozoology, ethnomédecine et ethnopharmacologie),
écologie, ethnomusicologie.
Le premier livre comporte une
substantielle introduction ethnologique et linguistique ainsi qu'une
réflexion sur la problématique du dictionnaire et une initiation à sa
pratique. Le deuxième livre, le dictionnaire aka-français, compte
environ dix mille entrées largement illustrées, linguistiquement,
ethnologiquement, dans le domaine naturaliste et graphiquement.
L'ensemble de l'ouvrage comprend une troisième partie, le lexique
français-aka, et une quatrième partie thématique.
L'intérêt de
l'étude de cette population réside dans le caractère très particulier de
sa situation linguistique, sociale et politique. Cette ethnie parle une
langue qui aujourd'hui lui est propre, bien que manifestement empruntée
à un moment de son histoire à un groupe de Grands Noirs (bantu C 10),
mais les conditions de relations avec son voisinage modifient
constamment sa situation linguistique.
Chasseurs-collecteurs, ils
ont une parfaite connaissance de leur milieu forestier auquel ils
présentent, de toutes les populations forestières locales, la plus
harmonieuse adaption. Cependant, ces "maîtres de la forêt", reconnus
comme tels par nous, n'auraient pas de vocabulaire propre de leur
domaine, si l'on en croit leur appartenance linguistique. L'origine non
forestière des populations environnantes, auxquelles ils devraient leur
nomenclature, rend cette hypothèse inconcevable. L'examen comparatif de
leur vocabulaire éclaire la question d'un jour différent.
De nos
jours leur forêt, de plus en plus dévastée par une exploitation abusive,
ne leur offre plus qu'un aléatoire et précaire refuge. Les relations
d'échange assez égalitaires qu'ils entretenaient depuis des temps
immémoriaux avec les Grands Noirs se sont récemment modifiées à leur
désavantage. Engagés malgré eux dans un processus socio-économique
contraignant, ils s'acheminent rapidement vers un statut de
sous-prolétariat exploité et déconsidéré.
Ils restent pourtant les
ultimes témoins d'une des dernières civilisations où l'homme sait
exploiter la nature pour en vivre, sans la détruire.