Jérusalem eut histoire mouvementée et une évolution urbaine décrites par
les historiens de l’Antiquité. Depuis 130 ans on a cherché à retracer
les remparts, à comprendre les sièges, à restituer les grands édifices,
à décrypter son urbanisme. Avec leurs regards croisés, on devinait les
illustres monuments disparus: le temple d’Hérode, le temple capitolin
d’Hadrien, la longue basilique chrétienne de Justinien. Ils n’avaient
sous la main que le mur du Temple, le Saint-Sépulcre, le Dôme de la
Roche. Ils ont sans relâche scruté Jérusalem, avec compétence et passion
qui font toujours autorité, on croyait la connaître.
Aujourd’hui elle est devenue un sujet qui suscite la curiosité du monde
entier. Les recherches interdisciplinaires qui se multiplient apportent
chaque jour de nouveaux documents. Les vieilles cartes, le potentiel de
la photographie d’avant 1914 qui sort des tiroirs, la mise à disposition
des technologies nouvelles comme la photographie satellitaire, le
traitement des données sur ordinateur bouleversent les méthodes
d’investigation. L’auteur a pris la ville à bras-le corps, dans toute sa
complexité. En apprenant d’abord l’acquis accumulé avec un respect qui
est dû, c’est avec une formation d’ingénieur qu’il a mené l’enquête. La
méthode qui diffère l’a mené à des intuitions nouvelles. Habitant sur
place et au fil des ans arpentant les rues et les ruelles, les endroits
secrets, les places comme les arrière-cours il a cherché à vérifier ses
intuitions un crayon en main, un décamètre et une machine à calculer.
La géométrie des grands travaux dans les quartiers des princes
hasmonéens, puis ceux d’Hérode, l’ampleur de l’Aelia Capitolina
d’Hadrien lui sont apparues par transparence, transformées par le temps
mais dont l’organisation demeure. Le croisement des axes urbains atteste
la marque de leurs idéologies. L’emplacement des grandes constructions a
laissé l’empreinte de leurs politiques ou de leurs propagandes
concurrentes.
L’auteur bouleverse la vision de la Jérusalem antique. Son habileté
d’horloger excelle à décrire les grilles d’urbanisme et à placer les
unes par rapport aux autres. On le suit avec une curiosité accrue au fil
de la lecture. Les quartiers ont été fondés par les rois hasmonéens au
IIe s. av. J.-C. et la place de la Porte de Damas s’ouvre en agora. Au
nord du Temple, Hérode lotit un quartier pour y mettre un théâtre et son
quadriportique. L’arc de l’Ecce Homo redevient une porte
hérodienne percée dans le Deuxième mur de la ville. L’ambitieux
petit-fils Hérode Agrippa déploie la ville au nord et le Tombeau des
Rois y trouve sa place. Tout a été remanié après la destruction du
Temple pour l’implantation intra-muros de la Dixième Legio
Fretensis. Jérusalem a été embellie par Hadrien qui en fit une
colonie romaine pour y célébrer son propre culte et celui de Jupiter, en
place du Sépulcre, et sur une plate-forme sacrée de l’ancien Temple juif
a trôné la statue équestre d’Hadrien.
Le bilan de ces travaux est une recherche audacieuse. Elle ravive un débat qui s’annonce fécond.