Comment les rabbins de la Misna et du Talmud conçoivent-ils l’idée de nature, entendue comme environnement ou comme quiddité? Notre ouvrage tente de répondre à cette question, en étudiant notamment l’opposition nature-artifice à travers l’exemple de la fabrication du toit (sekhakh) pour la fête de Sukkot. Il montre que la quiddité est exprimée par la double métaphore de l’«empreinte» et du «chemin», que le monde est conçu comme une amulette divine et que l’ordre cosmique et humain se rattache à la notion de «coutume du monde». Il s’avère enfin que les rabbins ont cru à la mutabilité de la nature. Presque jamais évoquée dans les enquêtes ethnographiques ou dans les travaux de synthèse, la pensée rabbinique de la nature offre pourtant un matériau analogique d’une exceptionnelle richesse. Cette même pensée est également paradoxale, en ceci que son caractère éminemment théorique s’origine dans des injonctions pratiques. Dans la dimension comparatiste de notre travail, nous montrons, à partir du dispositif heuristique de Descola, que les rabbins ont développé une ontologie analogiste où les choses et les êtres se donnent comme des entités discrètes ayant des intériorités et des physicalités propres.