On a longtemps pensé que les livres bibliques, étant le produit de
traditions orales rassemblées vaille que vaille par un rédacteur final
peu soucieux d’ordre, n’étaient qu’une sorte de patchwork. Désormais de
plus en plus nombreux sont les exégètes qui constatent que ces textes
sont composés et bien composés. Encore faut-il les mesurer à l’aune de
la tradition littéraire spécifique à laquelle ils appartiennent. Ils
relèvent en effet non de la rhétorique classique gréco-latine, mais de
la rhétorique sémitique dont les lois sont aujourd’hui beaucoup mieux
connues.
Plusieurs s’étaient intéressés de près à la composition
du deuxième évangile: surtout Jean Radermakers, Benoît Standaert et
Bastiaan van Iersel. Leur travail de pionnier méritait d’être repris,
avec une méthodologie plus rigoureuse, désormais bien établie, l’analyse
rhétorique sémitique.
La composition de Marc se révèle d’une
merveilleuse régularité, dans son détail comme dans son architecture
d’ensemble. Deux grandes sections comprennent sept séquences focalisées
sur un grand discours de Jésus, le discours du commencement au chapitre
4 et le discours de l’accomplissement au chapitre 13. Entre ces deux
sections, une troisième section, située en dehors des frontières
d’Israël, est composée autour du discours de Jésus sur le disciple. Au
centre de ce discours central – et donc au coeur de tout l’évangile –
résonne la double question: «À quoi servirait à un homme de gagner le
monde entier et de ruiner sa vie? Que pourrait donner un homme en
échange de sa vie?» (8, 36-37).
Curieusement, ce n’est donc pas
directement sur Jésus que l’évangile de Marc est focalisé mais sur le
disciple. C’est bien ce qu’a perçu l’auteur tardif de la finale longue
qui achève le livre en montrant Jésus laisser toute la place à ses
disciples pour la proclamation de l’Évangile de Dieu.