Conséquence inévitable de la conquête du monde hellénistique par Rome,
la provincialisation de la Macédoine, de l'Asie, puis de l'Achaïe, eut
pour effet d'instaurer dans ces contrées la présence permanente d'une
autorité supérieure, assortie du développement d'une administration
calquée sur le modèle romain. Loin de détruire les institutions civiques
locales, cette autorité s'appuya sur elles. Dans le domaine judiciaire,
l'étude croisée des sources épigraphiques, littéraires et juridiques,
depuis la fin du IIe s. av. J.-C. jusqu'au milieu du IIIe s. apr. J.-C.,
met en évidence l'instauration, puis le développement d'un édifice
complexe, superposant les éléments de droit et de procédure grecs et
romains. Tandis que la juridiction provinciale s'organisait autour de la
figure centrale du gouverneur, les cités conservaient des institutions
judiciaires héritées pour la plupart de l'époque hellénistique, même si
la participation populaire tendit à décliner au profit d'organes
élitaires. Cette cohabitation imposa, sous la République, puis sous le
Principat, la définition de critères du partage des compétences dictés
par le pouvoir hégémonique en fonction de ses intérêts. Au travers du
prisme judiciaire, l'Empire renvoie l'image d'un pouvoir pragmatique,
réservant à ses tribunaux la haute juridiction pénale, mais laissant aux
cités une part d'autonomie importante.
An
inevitable consequence of the conquest of the Hellenistic world by Rome,
the provincialisation of Macedonia, Asia, then Achaea, led in these
regions to the permanent presence of a higher authority, combined with
the development of an administration copied from the Roman model. Far
from destroying the local civic institutions, this authority relied on
them. In the legal domaine, a comparative study of the epigraphical,
literary and juridical sources dating from the end of the second century
BC to the middle of the third century AD, brings to light the
installation and development of a complex structure of superposed Greek
and Roman legal and procedural elements. While the provincial
jurisdiction was organised around the central figure of the governor,
the cities conserved the judiciary institutions inherited in the main
from the Hellenistic period, even if popular participation tended to
decline at the profit of elitist organs. This cohabitation imposed,
during the Republic and the Principate, the definition of criteria for
the sharing of competences dictated by the hegemonic power according to
its interests. Seen through the judicial prism, the Empire presents the
image of a pragmatic power, reserving for its tribunals the supreme
jurisdiction in penal matters, while granting the cities an important
degree of autonomy.